Rapport sur le cas - Agence de la santé publique du Canada (février 2017)

Conclusions du Commissariat à l’intégrité du secteur public dans le cadre d’une enquête concernant la divulgation d’actes répréhensibles

Le masculin générique a été adopté dans le présent rapport pour protéger l’identité des individus en question.

Le présent document est également disponible en format PDF

ISBN : 978-0-660-07526-6


Table des matières


Lettres

L’honorable George J. Furey, c.r.
Président du Sénat
Le Sénat
Ottawa (Ontario) K1A 0A4


Monsieur le Président,

J’ai l’honneur de vous présenter le Rapport sur le cas concernant les conclusions d’une enquête du Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada à la suite d’une divulgation d’actes répréhensibles à l’encontre de l’Agence de la santé publique du Canada, rapport qui doit être déposé au Sénat conformément aux dispositions du paragraphe 38(3.3) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles.

Le rapport fait état des conclusions concernant les actes répréhensibles, des recommandations faites à l’administrateur général, de mon avis quant au caractère satisfaisant ou non de la réponse de l’administrateur général relativement aux recommandations et des commentaires écrits de ce dernier.

Je vous prie d’accepter, monsieur le Président, mes salutations distinguées.

(La version originale a été signée par)

Joe Friday
Commissaire à l'intégrité du secteur public
Ottawa, février 2017

 

L’honorable Geoff Regan, C.P., député
Président de la Chambre des communes
Chambre des communes
Ottawa (Ontario) K1A 0A6


Monsieur le président,

J’ai l’honneur de vous présenter le Rapport sur le cas concernant les conclusions d’une enquête du Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada à la suite d’une divulgation d’actes répréhensibles à l’encontre de l’Agence de la santé publique du Canada, rapport qui doit être déposé à la Chambre des communes conformément aux dispositions du paragraphe 38(3.3) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles.

Le rapport fait état des conclusions concernant les actes répréhensibles, des recommandations faites à l’administrateur général, de mon avis quant au caractère satisfaisant ou non de la réponse de l’administrateur général relativement aux recommandations et des commentaires écrits de ce dernier.

Je vous prie d’accepter, monsieur le Président, mes salutations distinguées.

(La version originale a été signée par)

Joe Friday
Commissaire à l'intégrité du secteur public
Ottawa, février 2017


Avant-propos

Le présent rapport concernant un cas avéré d’actes répréhensibles, qui a été déposé au Parlement conformément à la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles (la Loi), fournit des détails sur les conclusions concernant un cadre de l’Agence de la santé publique du Canada (l’Agence) dont le comportement sur les lieux de travail et la manière avec laquelle il traitait des employés de l’Agence et d’autres ministères constituaient une contravention grave à un code de conduite et un cas grave de mauvaise gestion.

Chaque fois que le Commissariat dépose un rapport sur le cas, il convient d’examiner avec soin la question de savoir s’il y a lieu d’identifier l’auteur des actes répréhensibles. Il s’agit d’une question importante qui est tranchée selon les particularités de chaque cas. Malgré la spécificité des présentes conclusions, je ne souhaite pas que ce cas soit considéré comme un cas isolé ce qui, à mon avis, risque de se produire si la personne visée est identifiée.

Les mesures prises par la haute direction à l’égard de cette situation ont été examinées soigneusement lors de l’enquête. L’enquête, qui reconnaît qu’il est difficile de tenir une personne directement responsable du comportement d’autres personnes, n’a pas établi que la haute direction avait commis des actes répréhensibles au sens de la Loi. Le gouvernement fédéral a mis en place des mesures et des processus ayant pour but d’aider à résoudre le problème d’inconduite comportementale. Certaines de ces mesures ont été adoptées par la haute direction afin de gérer la conduite de l’auteure d’actes répréhensibles dans la présente affaire.

Même si aucune conclusion officielle selon laquelle un acte répréhensible aurait été commis par la haute direction n’a été tirée, je suis néanmoins d’avis qu’il est nécessaire de souligner que, dans des affaires comme celle ci, le fait d’adopter une mesure corrective sans faire de surveillance continue n’est pas suffisant. Une telle surveillance est essentielle pour protéger les employés ayant subi un préjudice ou ayant été lésés d’une quelconque façon par la conduite en cause, et pour répondre à leurs besoins; elle sert également à orienter la personne dont la conduite est en cause, ainsi qu’à lui offrir des possibilités d’apprentissage et de développement professionnel, en plus d’appliquer des mesures disciplinaires, s’il y a lieu.

Il importe aussi de noter que la personne ayant commis l’acte répréhensible est entrée au service d’un autre organisme du secteur public quelques mois après le début de l’enquête et avant la publication du présent rapport. Il est essentiel de savoir que nous avons avisé l’organisme en question de la tenue d’une enquête, et leur avons fourni un exemplaire du présent rapport sur le cas. Fait plus important encore, nous avons formulé des recommandations à ce nouvel employeur quant aux mesures correctives qui peuvent être apportées afin d’éviter que le comportement ne se reproduise et de considérer l’application de mesures disciplinaires appropriées.

Compte tenu de la priorité actuelle du gouvernement à l’égard de la santé mentale en milieu de travail, le présent rapport peut servir à souligner l’importance d’instaurer un milieu de travail sain et respectueux comme élément clé dans toute stratégie de santé mentale. Tous les employés, peu importe leur niveau et fonction dans une organisation, doivent être traités avec respect.

Joe Friday
Commissaire à l’intégrité du secteur public

Mandat

Le Commissariat à l’intégrité du secteur public contribue à renforcir la reddition de comptes et la surveillance de la gestion des activités du gouvernement en fournissant :

  • aux fonctionnaires et au grand public un processus sûr, indépendant et confidentiel pour recevoir et enquêter les divulgations d’actes répréhensibles au sein du secteur public fédéral ou le concernant, et en déposant des rapports sur les cas avérés au Parlement, ainsi qu’en formulant des recommandations de mesures correctives aux administrateurs généraux; et
  • aux fonctionnaires et aux anciens fonctionnaires un mécanisme visant à traiter les plaintes de représailles dans le but de résoudre la question, y compris renvoyer des cas au Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs.

Le Commissariat est un organisme indépendant créé en 2007 dans le but de mettre en œuvre la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles (la Loi).

L’article 8 de la Loi définit ainsi les actes répréhensibles :
a) la contravention d’une loi fédérale ou provinciale ou d’un règlement pris sous leur régime, à l’exception de la contravention de l’article 19 de la présente loi;
b) l’usage abusif des fonds ou des biens publics;
c) les cas graves de mauvaise gestion dans le secteur public;
d) le fait de causer – par action ou omission – un risque grave et précis pour la vie, la santé ou la sécurité humaines ou pour l’environnement, à l’exception du risque inhérent à l’exercice des attributions d’un fonctionnaire;
e) la contravention grave d’un code de conduite établi en vertu des articles 5 ou 6;
f) le fait de sciemment ordonner ou conseiller à une personne de commettre l’un des actes répréhensibles visés aux alinéas a) à e).

La Loi prévoit que les enquêtes menées sur une divulgation ont pour objet de porter l’existence d’actes répréhensibles à l’attention de l’administrateur général de l’organisme concerné et de lui recommander des mesures correctives.

Divulgation

En mai 2014, une enquête a été lancée sur les allégations selon lesquelles un cadre, qui occupait à l’époque de la divulgation un poste de directeur général par intérim de l’Agence de la santé publique du Canada (l’ASPC ou l’Agence), avait créé un environnement de travail empoisonné par ses actes de harcèlement et d’intimidation et par ses mauvaises relations interpersonnelles.

Pour les besoins de l’établissement du rapport sur les conclusions de l’enquête, les allégations ont été regroupées ainsi :
1) les allégations portant sur la violence verbale à l’endroit du personnel et d’autres fonctionnaires;
2) les allégations portant sur les manifestations physiques de colère, notamment les crises de rage violente.

Si elles se révèlent fondées, ces allégations constitueraient des actes répréhensibles au sens des alinéas 8c) et e) de la Loi, respectivement, à savoir un cas grave de mauvaise gestion et la contravention grave d’un code de conduite. La décision de lancer l’enquête a été prise à la suite d’une analyse approfondie des renseignements transmis au Commissariat par un divulgateur anonyme.

Au sujet de l’organisme

L’Agence de la santé publique du Canada a été créée pour assurer la réalisation de la promesse du gouvernement du Canada de contribuer à protéger la santé et la sécurité de tous les Canadiens. Ses activités sont axées sur la prévention des maladies chroniques, comme le cancer et les maladies cardiaques, la prévention des blessures et l’intervention en cas d’urgence publique ou d’épidémies de maladies infectieuses.

Résultats de l’enquête

L’enquête a démontré ce qui suit :

  • La conduite du cadre constituait une contravention grave du code de conduite de l’Agence et un cas grave de mauvaise gestion, parce que le cadre :
    • a fait preuve de violence verbale à l’endroit de son personnel, d’autres employés de l’Agence et d’employés d’autres organismes gouvernementaux;
    • a manifesté physiquement sa colère à l’égard du personnel, notamment par des crises de rage violente.

Aperçu de l’enquête

Amorcée le 6 mai 2014, l’enquête a été menée par l’enquêteure principale Gail Gauvreau, avec l’aide de Raynald Lampron, tous deux du Commissariat. Les enquêteurs ont mené une enquête approfondie, procédant notamment à l’examen de la preuve documentaire, constituée entre autres de courriels et de dossiers d’employés. En tout, 42 témoins ont été interviewés au cours de l’enquête. Il s’agit notamment d’employés actuels et d’anciens employés, de cadres supérieurs et de personnel de soutien.

Conformément aux exigences de la Loi, l’ASPC et son personnel ont coopéré pleinement à l’enquête.

Puisqu’il est allégué qu’un fonctionnaire de haut niveau a commis des actes répréhensibles ayant eu une incidence sur de nombreux employés, les enquêteurs ont examiné les circonstances qui auraient pu permettre qu’un tel comportement se produise et se poursuive sur une longue période.

Conformément aux obligations prévues par la Loi, le Commissariat a donné au cadre concerné et à l’ASPC la possibilité pleine et entière de répondre aux allégations au moyen d’entrevues, et il leur a remis un rapport d’enquête préliminaire, qu’ils ont commenté.

Pour arriver à mes conclusions, j’ai tenu compte de tous les renseignements reçus dans le cadre de l’enquête, notamment les renseignements fournis par l’ASPC et par le fonctionnaire.

L’ASPC a souscrit aux conclusions préliminaires concernant la conduite du cadre. En outre, l’ASPC a indiqué les mesures qui ont été prises par la haute direction pour corriger la situation. Le cadre a vigoureusement nié toutes les allégations.

Le cadre a quitté l’ASPC en 2014 pour aller travailler dans un autre ministère. Le Commissariat a transmis le rapport d’enquête préliminaire et les résultats de l’enquête à son nouvel employeur afin qu’il en soit informé et que les mesures de suivi soient prises au besoin pour donner suite aux conclusions concernant les actes répréhensibles, par exemple la prise de mesures disciplinaires et d’autres mesures correctives.

Résumé des conclusions

Contravention grave d’un code de conduite

Pour établir si une action ou une omission constitue une contravention « grave » d’un code de conduite au sens de l’alinéa 8e) de la Loi, il faut tenir compte des éléments caractéristiques suivants :

  • la contravention constitue un écart important par rapport aux pratiques généralement acceptées au sein du secteur public fédéral;
  • les conséquences actuelles ou éventuelles de la contravention sur les employés ou les clients de l’organisme en cause, ou sur la confiance du public, sont importantes;
  • l’auteur allégué des actes répréhensibles occupe au sein de l’organisme un poste d’un niveau hiérarchique élevé ou nécessitant un niveau de confiance élevé;
  • il ne fait aucun doute qu’une personne raisonnable conclurait que des erreurs graves ont été commises;
  • la contravention du code de conduite est de caractère systémique ou endémique;
  • les contraventions au code de conduite sont répétées, ou diverses contraventions ont eu lieu sur une longue période;
  • le caractère délibéré ou insouciant de la contravention du code de conduite est marqué.

Cas grave de mauvaise gestion

L’expression « cas grave de mauvaise gestion » n’est pas définie dans la Loi. Lorsque le Commissariat enquête sur une allégation de cas grave de mauvaise gestion au sens de l’alinéa 8c) de la Loi, il tient notamment compte des facteurs suivants :

  • des problèmes très importants, systémiques ou répandus;
  • les erreurs graves que reconnaîtrait incontestablement toute personne raisonnable;
  • les actes dépassant le simple acte répréhensible ou la simple négligence;
  • les actions ou les omissions de la direction qui créent un risque considérable de conséquences néfastes graves sur la capacité de l’organisme, du bureau ou de la section à s’acquitter de son mandat;
  • la nature intentionnelle de l’acte répréhensible;
  • la nature systémique de l’acte répréhensible.

Pour décider si la conduite et les actes du fonctionnaire étaient suffisamment graves pour constituer un cas grave de mauvaise gestion et une contravention grave d’un code de conduite, le Commissariat a tenu compte des facteurs suivants :

  • les diatribes fréquentes et les accès de rage violente;
  • le langage non professionnel, notamment les cris et les hurlements, les blasphèmes et le langage corporel menaçant;
  • les mauvaises aptitudes interpersonnelles en général (le cadre a été décrit comme étant une personne impolie, agressive et mal élevée);
  • le caractère intentionnel des actes répréhensibles;
  • la fréquence du comportement problématique;
  • les fonctions et les responsabilités du cadre;
  • l’incidence des actes répréhensibles sur le bien-être d’autres employés;
  • l’incidence des actes répréhensibles sur l’intérêt public et la confiance des Canadiens à l’égard du secteur public.

Les résultats de l’enquête démontrent que la conduite agressive du cadre envers le personnel constituait une contravention grave du Code de valeurs et d’éthique de l’Agence de la santé publique du Canada et un cas grave de mauvaise gestion.

Violence verbale

  • Une des plaintes relatives au comportement du cadre qui a été entendue souvent pendant l’enquête porte sur la difficulté qu’il éprouve à maîtriser sa colère lorsqu’elle s’adresse aux employés subalternes. De nombreux témoins ont raconté des incidents lors desquels le cadre avait crié après les employés et les fonctionnaires d’autres ministères et organismes, ou s’était adressée à eux de façon impolie, et ils ont mentionné que ce genre d’incident survenait tous les jours.
  • Le cadre criait régulièrement après les employés lors des réunions, et il le faisait devant les autres. Le cadre a été décrit comme étant instable lors des réunions, les employés ne sachant jamais quand surviendrait la prochaine « explosion ». Souvent, le comportement était suivi par des excuses. De nombreux témoins ont mentionné avoir fondu en larmes ou avoir vu des collègues pleurer en raison des actes du cadre.
  • Le comportement problématique comprenait aussi l’utilisation de blasphèmes, que les employés considéraient comme étant inappropriés et intimidants.
  • Un témoin a décrit comme suit un incident : [traduction] « [...] c’était assez fort pour qu’on se dise “oh là là”, c’était effrayant, très, très effrayant. C’était une colère profonde. »
  • Un témoin a dit qu’une fois le cadre avait [traduction] « crié après [nom supprimé] pendant une demi-heure devant toute l’équipe ».
  • Les témoignages étaient cohérents. Les témoins ont signalé qu’une personne relevant directement du cadre était régulièrement [traduction] « ciblée » par lui. Invités à préciser ce qu’ils entendaient par [traduction] « ciblée », les témoins ont expliqué que le cadre posait des questions à cette personne de façon brusque ou avec colère, ou qu’il répétait de façon sarcastique la réponse qui lui était donnée. Quand on leur a demandé des exemples, les témoins ont affirmé que le cadre disait par exemple : [traduction] « [blasphème], qu’est-ce qui t’est passé par la tête! », « C’est ta meilleure idée, ça? » et « Tu ne connais pas la réponse? »
  • En très grande majorité, les témoins ont expliqué que le cadre dévalorisait et critiquait le travail des employés de façon dégradante.
  • Le cadre a affirmé qu’il ne criait pas et ne hurlait pas après les gens. Il a toutefois admis qu’il avait élevé la voix une ou deux fois par frustration, mais il a nié que ce genre d’incident survenait tous les jours. Le cadre a mentionné qu’il se passionnait pour son travail et que les gens prenaient cette passion pour de la colère.
  • Les témoins ont indiqué qu’à certains moments le cadre parlait effectivement de façon passionnée d’un sujet, mais que sa passion se distinguait nettement de sa colère.

Manifestation physique de colère

  • De nombreux témoins ont indiqué que le cadre avait souvent de la difficulté à maîtriser sa colère et qu’il se montrait agressif envers ses collègues en les menaçant et en les intimidant, souvent au point où ils fondaient en larmes. En très grande majorité, les témoins ont affirmé que le cadre perdait souvent le contrôle et que ses diatribes fréquentes et ses accès de colère faisaient souvent très peur à bien des employés.
  • Outre la violence verbale décrite ci-dessus, plusieurs témoins ont affirmé que le cadre manifestait sa colère par son langage corporel, par exemple en abattant ses mains sur un bureau, en lançant des dossiers ou du papier, en se levant brusquement et en se penchant vers les employés dans une posture colérique et agressive.
  • Les témoins, y compris la référence morale du cadre, ont relaté des incidents d’accès de colère dont ils avaient une connaissance directe.
  • Voici un exemple : [traduction] « [Le cadre] a placé sa chaise juste devant moi. Je dirais que moins d’un demi-pouce séparait nos rotules, nos genoux, et il tenait mon courriel... il a tout simplement perdu le contrôle... je n’ai jamais vu une explosion comme celle-là. [Le cadre] a complètement pété les plombs… il a décimé ma réputation... c’était de la rage pure, sa pression a dû monter en flèche, il était tout rouge, ses yeux étaient exorbités… il était tout à fait hors de lui. Au point où j’ai pensé qu’il allait me frapper… Ça a duré une quinzaine de minutes […] il n’a vraiment pas aimé le courriel alors il m’a jeté hors de son bureau. Tandis que je me préparais à sortir, il a pris le courriel et l’a détruit. J’ai ramassé mes choses et j’ai quitté son bureau discrètement, mais dès qu’il ne pouvait plus me voir j’ai couru jusqu’à mon poste de travail. »
  • Un employé a relaté que, lors d’une réunion de groupe tenue peu après cet incident, le cadre avait fait comme si de rien n’était. Cet employé a affirmé que c’était normal : [traduction] « un accès de rage suivi d’une déclaration théâtrale, comme “mon cœur est rempli de sympathie pour vous” ». Il a affirmé avoir été tellement troublé par l’incident qu’il s’est assuré qu’il soit signalé à l’un des sous-ministres adjoints de l’Agence.
  • Un autre témoin a affirmé que le cadre s’était approché de lui les poings serrés et qu’il l’avait vu s’approcher d’autres employés de façon agressive. Il a ajouté qu’il avait vu le cadre abattre les poings sur une table lorsqu’il était en colère et que les employés étaient très conscients de ses manifestations de colère lors des réunions. D’autres incidents relatifs au comportement du cadre ont été signalés au sous-ministre adjoint.

Comportement inapproprié suivi d’excuses

  • Les épisodes inappropriés d’accès de colère violente, tels qu’ils ont été décrits ci dessus, étaient fréquemment suivis d’excuses, ce qui témoigne de mauvais traitements cycliques et répétés de la part du cadre. Les témoins ont répété que le cadre faisait preuve de violence verbale ou agissait de façon inappropriée, puis s’excusait de son comportement, et que le cycle recommençait. Un certain nombre de témoins ont comparé le comportement du cadre à leur égard à de la violence conjugale.
  • Un témoin a indiqué que, même s’il avait expliqué au cadre comment il se sentait par rapport à ce cycle de violence suivie d’excuses, il se souvenait de plusieurs incidents où le cycle de violence s’était répété. Quelques semaines après lui avoir présenté des excuses, le cadre critiquait encore le témoin en lui disant par exemple : [traduction] « Tu es incompétent, envoie-moi toutes les versions depuis le début, tu es incompétent... »
  • Un autre témoin a fourni un courriel qui lui avait été adressé dans lequel le cadre a reconnu son comportement problématique :

[traduction] Comme toujours, j’apprécie votre franchise. J’ai réfléchi à mon comportement, et je n’en suis pas fier, alors vous avez raison de me rappeler à l’ordre. Au cours de la dernière semaine et demie, j’ai amorcé un virage important, car je me suis rendu compte des répercussions de mon approche et de mon comportement sur les autres employés [à l’Agence]. Je crois que j’ai tourné la page et que je suis de retour sur la bonne voie.

  • Le témoin à qui ce courriel était adressé a affirmé que le comportement du cadre n’avait pas changé par la suite. D’autres témoins ont reçu des courriels semblables.

Responsabilités de la direction

Dans le cas où un fonctionnaire de haut niveau, comme le cadre en cause, commet des actes répréhensibles comme ceux qui sont décrits dans le présent rapport et qui ont une incidence sur de nombreux employés, il faut aussi examiner les circonstances qui ont permis qu’un tel comportement se produise et se poursuive sur une longue période. Dans le présent cas, les enquêteurs ont examiné la question de savoir si la haute direction de l’ASPC était intervenue adéquatement après avoir reçu, sur une période donnée, des plaintes portant que le cadre harcelait les employés et faisait preuve de comportement abusif envers eux.

Il a été établi que la haute direction était au courant du comportement du cadre. Avant notre enquête, les mesures correctives prises par la haute direction pour régler les plaintes des employés consistaient à discuter du problème avec le cadre et à lui faire suivre un cours sur l’intelligence émotionnelle et un cours sur la prévention du harcèlement. En outre, le cadre s’est excusé publiquement lors d’une réunion de l’ensemble du personnel, et il s’est porté volontaire pour entreprendre une évaluation 360 exhaustive.

La haute direction a pris plusieurs mesures concrètes pour régler les plaintes déposées contre le cadre, et le problème leur semblait avoir été résolu de façon permanente.

Malgré les efforts de la direction et la formation qui a été offerte au cadre, celui-ci a continué de faire preuve d’un comportement inapproprié, et une divulgation anonyme a été présentée au Commissariat.

L’ASPC n’a pas réussi à assurer l’existence d’un milieu de travail sain et exempt de harcèlement pour les employés travaillant au sein de la direction générale concernée. Cet échec n’est pas attribuable aux actes d’une seule personne; il est plutôt attribuable à deux facteurs importants :

  • le fait que la direction n’a reçu aucune autre plainte de la part des employés après la prise des mesures correctives initiales, ce qui l’a menée à croire que le problème avait été réglé;
  • le fait que la direction n’a pas effectué de suivi à moyen et à long terme de la situation.

Il aurait été raisonnable de s’attendre à ce que l’Agence continue de surveiller les activités de gestion des employés menées par le cadre et qu’elle effectue un suivi proactif auprès des employés ayant déposé une plainte. La haute direction n’a pas fait preuve du leadership nécessaire et elle n’a pas bien maîtrisé la situation au-delà de l’intervention initiale à l’égard des plaintes.

Conclusion

Les renseignements recueillis au cours de la présente enquête ont révélé que le cadre a commis des actes répréhensibles au sens des alinéas 8c) et e) de la Loi. Son comportement – agression verbale du personnel et d’autres fonctionnaires et manifestations physiques de colère, y compris des accès de rage violente – constituait une contravention grave au Code de valeurs et d’éthique de l’Agence de la santé publique du Canada et un cas grave de mauvaise gestion.

Recommandations du commissaire et réponse du ministère

En conformité avec l’alinéa 22h) de la Loi, j’ai fait des recommandations à l’administrateur général de l’ASPC concernant les mesures qui doivent être prises afin de corriger les actes répréhensibles. Je suis satisfait de la réponse de l’administrateur général quant à cette recommandation et quant aux mesures prises à ce jour par le ministère afin de remédier aux actes fautifs relevés dans le présent rapport. Mes recommandations et la réponse du ministère sont mentionnées ci-après.

Il est recommandé que le ministère où travaille actuellement le cadre surveille de façon proactive le milieu de travail dont il est responsable pour s’assurer que le comportement problématique cerné dans le présent rapport est chose du passé. Le ministère devrait également envisager la nécessité de prendre des mesures disciplinaires et correctives, compte tenu de la nature des actes répréhensibles.

L’environnement de travail actuel de l’employé fait l’objet d’une surveillance proactive pour éviter qu’un acte répréhensible ne se reproduise. Compte tenu de la nature et de la gravité des conclusions, à titre d’employeur actuel, on a déterminé que des mesures disciplinaires et correctives s’imposent.


Je reconnais que la haute direction de l’ASPC a pris des mesures visant à répondre aux plaintes portées contre le cadre. Toutefois, compte tenu de la gravité de la situation, il aurait été raisonnable de s’attendre à ce que l’Agence continue de surveiller les activités de gestion des employés du cadre et qu’elle effectue un suivi proactif auprès de lui et auprès des employés de la section. À mon avis, le suivi qui a été effectué n’était pas suffisant, compte tenu de la nature du comportement problématique du cadre.

Sans conclure qu’il y a eu acte répréhensible de la part de l’ASPC à cet égard, je suis d’avis que la haute direction de l’ASPC n’a pas fait preuve du leadership nécessaire et n’a pas bien maîtrisé la situation. Au bout du compte, l’ASPC n’a pas réussi à assurer l’existence d’un milieu de travail sain et exempt de harcèlement pour les employés.

Mes constatations d’actes répréhensibles visent uniquement la cadre. Par contre, toutes les parties concernées continuent d’avoir l’obligation de veiller au bien-être des employés et au fonctionnement efficace de l’ASPC. Bien que la haute direction ait pris des mesures concrètes immédiatement après avoir reçu les plaintes portées contre la cadre, notamment en s’assurant que le cadre suive certains cours, elle aurait pu – et aurait dû – en faire beaucoup plus. Compte tenu de la responsabilité de l’ASPC pour ce qui est d’assurer un milieu de travail respectueux et sain :

Il est recommandé que la haute direction de l’ASPC examine ses pratiques et ses procédures dans le but de corriger les lacunes cernées dans le présent rapport en ce qui a trait à la manière dont on a géré l’inconduite en milieu de travail.

Il est également recommandé que l’ASPC examine et mette en application, au besoin, l’article 6.1.1 de la Politique sur la prévention et la résolution du harcèlement du Conseil du Trésor (la Politique sur le harcèlement), qui confère aux cadres supérieurs l’obligation d’entreprendre des activités de prévention pour favoriser un milieu de travail exempt de harcèlement.

La haute direction de l’ASPC prend très au sérieux la responsabilité de créer un milieu de travail sain et respectueux, exempt de harcèlement. Depuis avril 2015, les mesures qui suivent ont été mises en place pour aider l’ASPC à favoriser une culture de respect et d’inclusion.

Mise en œuvre de la Stratégie pluriannuelle de la santé mentale et du mieux-être en milieu de travail

L’ASPC a souligné récemment la deuxième année de la mise en œuvre de la Stratégie pluriannuelle de la santé mentale et du mieux-être en milieu de travail (la Stratégie), qui a été adoptée par le comité de la haute direction en avril 2015. La Stratégie vise à promouvoir une culture valorisant la santé et le mieux-être en milieu de travail, où les employés disposent des outils, de la formation et des ressources nécessaires pour accroître leurs connaissances et leurs compétences afin qu’ils puissent prévenir et régler de façon proactive les problèmes liés à la santé mentale et au mieux-être en milieu de travail. La Stratégie prévoit également la mise en œuvre de la Norme nationale du Canada sur la santé et la sécurité psychologiques en milieu de travail (la Norme). Dans le cadre de la Stratégie, l’ASPC a pris un certain nombre de mesures pour assurer un milieu de travail respectueux et exempt de harcèlement pour ses employés. Plus précisément, nous continuerons d’offrir un flux constant de cours, d’ateliers, de webinaires, de tables rondes et d’outils à l’intention des employés et des gestionnaires, et poursuivrons la série de formations obligatoires sur le mieux-être en milieu de travail, notamment Fondements du respect en milieu de travail, Création d’un milieu de travail respectueux et Valeurs et éthique en milieu de travail.

Création d’un milieu de travail respectueux

Bureau du respect en milieu de travail

En septembre 2015, le Bureau du respect en milieu de travail (BRMT) de la Direction générale des services de gestion (DGSG) a été restructuré et réorienté au sein de la Direction des services en ressources humaines (DSRH). Essentiellement, le BRMT se concentre sur la prévention et la résolution des cas de harcèlement en milieu de travail. Il est responsable des activités de promotion, de prévention et de sensibilisation de l’organisation en vue de la création d’un milieu de travail respectueux. Cet intérêt renouvelé se manifeste par la prestation de la formation obligatoire (Fondements du respect en milieu de travail et Création d’un milieu de travail respectueux). Ces ateliers s’adressent tant aux employés qu’aux gestionnaires et visent à permettre à chacun des groupes d’apprendre des stratégies pour favoriser une culture de respect et de courtoisie, dans le but de prévenir le harcèlement au travail.

En partenariat avec la haute direction, le BRMT organisera d’autres occasions de mobilisation et d’apprentissage sur le respect en milieu de travail et continuera de faire la promotion de la prévention du harcèlement.

L’Agence entend également insister auprès de ses cadres sur les attentes et les responsabilités relatives au maintien d’un environnement de travail exempt de harcèlement. Il est possible d’y arriver en relevant l’objectif de l’entente de gestion du rendement relatif au respect et à la gestion des personnes.

Campagne annuelle de la Semaine nationale du respect en milieu de travail

En octobre 2016, les employés et gestionnaires de l’ASPC ont participé à la première édition de la Campagne annuelle de la Semaine nationale du respect en milieu de travail de l’organisation. Cette campagne a permis de joindre tous les employés de l’ASPC au pays grâce à un message uniforme, soulignant que l’ASPC met l’accent sur les comportements respectueux et met tout en œuvre pour renforcer les comportements courtois et exempts de discrimination et de harcèlement au sein de l’organisation. Ces comportements ont été clairement mis en évidence dans les messages directs envoyés par moi-même, à titre de présidente, et par la championne du bien-être en milieu de travail de l’ASPC. Nous avons profité de cette occasion pour expliquer aux employés de tous les niveaux l’importance du respect et de la courtoisie au travail ainsi que de la promotion des comportements positifs au travail pour assurer le bien-être des employés.

Nous en avons également profité pour présenter au personnel des ressources pour les aider à résoudre des problèmes liés au milieu du travail, dont le Bureau du respect en milieu de travail et le Bureau de l’ombudsman, de l’intégrité et de la résolution (BOIR).

Accès à l’information concernant le renforcement du respect ainsi que la prévention et le règlement du harcèlement

Au cours de l’été 2016, la DSRH a lancé un site intranet remanié concernant la prévention et le règlement du harcèlement. Grâce à ce site, employés et gestionnaires disposent maintenant d’un accès facile à des ressources permettant de prévenir et de résoudre rapidement les problèmes en milieu de travail, comme le harcèlement et l’intimidation. Ils y trouvent également les mécanismes de recours officiels en cas de harcèlement au travail ainsi que les coordonnées des personnes-ressources pour leur organisation. Le nouveau site comprend aussi des renseignements à l’intention des gestionnaires concernant la prévention des conflits et la promotion du respect en milieu de travail.

Favoriser le bien-être au travail à l’ASPC

En avril 2011, l’ASPC a nommé un champion du bien-être au travail, qui a collaboré avec la haute direction pour élaborer notre plan en trois points. Ce plan, qui est un élément clé de la Stratégie sur le mieux-être, se révèle très utile, puisqu’il permet de dresser un portrait des directions générales, des personnes et des initiatives dans les communications menuelles aux employés, de favoriser la santé mentale positive par la mobilisation des employés et les échanges avec eux et de soutenir activement l’apprentissage grâce à de nouvelles activités d’apprentissage.

Grâce au plan, nous avons mobilisé les employés de diverses façons. L’atelier sur les thèmes de la courtoisie et du respect en milieu de travail en est un exemple. Celui-ci a été offert pour sensibiliser les employés au sujet des comportements impolis et de leurs causes, ainsi que pour discuter de stratégies favorisant les comportements respectueux.

Soutien des Relations de travail

En plus de travailler directement avec les cadres hiérarchiques, les Relations de travail transmettent des mises à jour trimestrielles ou mensuelles à chaque chef de direction générale et des mises à jour trimestrielles à la présidente au sujet de cas complexes ou délicats en matière de relations de travail. De cette façon, ces dossiers font l’objet d’un suivi continu et d’une surveillance de la haute direction. Par ailleurs, ces mises à jour permettent aux cadres supérieurs de demeurer au fait des problèmes ou des cas d’inconduite en milieu de travail et de participer à leur règlement.

Bureau de l’ombudsman, de l’intégrité et de la résolution (BOIR)

De surcroît, depuis février 2016, le BOIR offre des services indépendants, sûrs et confidentiels permettant aux employés de tous les niveaux de soulever des problèmes liés au milieu de travail, d’en discuter et de les résoudre, et ce, sans crainte de représailles. Le BOIR offre également des conseils et des services non officiels de gestion des conflits, favorise la compréhension des valeurs et de l’éthique au travail et offre des services de divulgation interne. De plus, si le BOIR appuie la résolution des préoccupations individuelles, il sert également de voie de communication et permet de présenter des renseignements et des observations aux cadres supérieurs de l’Agence afin qu’ils puissent corriger convenablement les problèmes systémiques et organisationnels.

Nous avons bon espoir que les mécanismes de soutien existants et nouveaux à l’Agence permettront de combler les lacunes liées aux pratiques et aux procédures visant à régler les cas d’inconduite au travail et de promouvoir les activités de prévention visant à favoriser un environnement exempt de harcèlement.